
Le 12-14 d’Un Toit Pour Tous du 14 octobre a présenté l’application du Droit à l’hébergement opposable (DAHO) en Isère.
Un droit fondamental pour la dignité humaine
Le DAHO découle de la loi DALO (Droit au logement opposable) du 5 mars 2007. Cette loi consacre un droit juridiquement opposable à un hébergement décent pour les personnes sans-abri ou en situation de grande précarité. Le DAHO répond à des besoins vitaux et immédiats : l’hébergement est une condition minimale de dignité humaine. Il concerne les personnes sans domicile, souvent dans des situations de détresse sociale, psychique ou physique extrême. Ne pas garantir ce droit, ou le traiter comme subsidiaire, revient à tolérer la survie dans des conditions inhumaines.
Le DAHO n’est pas un droit de secours, mais un droit pleinement justiciable, qui permet à une personne de saisir une juridiction (le tribunal administratif) en cas de manquement de l’État à son obligation. Si un droit opposable, inscrit dans la loi, n’est pas respecté dans les faits, c’est la confiance dans les institutions et dans l’effectivité des droits qui est mise à mal. L’État a l’obligation légale de proposer un hébergement aux personnes reconnues prioritaires par la commission DAHO. Ne pas respecter ce droit revient à délégitimer l’ensemble du système juridique, en envoyant le message qu’un droit fondamental peut être ignoré sans conséquence.
Les conditions pour bénéficier du DAHO
Deux types de recours sont possibles :
- Pour de l’hébergement d’urgence
- Pour de l’hébergement d’insertion
Les critères d’éligibilité pour faire valoir son droit à l’hébergement opposable sont :
- Avoir sollicité récemment un hébergement d’urgence ou d’insertion par le biais du 115
- N’avoir reçu aucune proposition d’hébergement adaptée à ses besoins
Un webinaire dense avec un débat de fond
Ce webinaire a permis à la soixantaine de personnes qui y ont assisté de connaître les réalités de ce dispositif en Isère. Il peut être visionné en replay.
Un Toit Pour Tous propose des permanences assurées par des bénévoles pour accompagner des personnes pour monter leur dossier de recours afin d’obtenir un hébergement. Ces dossiers sont étudiés ensuite par la COMED (Commission de médiation) où siège aussi un représentant bénévole d’un Toit Pour Tous.
Le SIAO : une alchimie compliquée entre les offres et les besoins des ménages concernés
Dans un premier temps les personnes doivent s’adresser au Service intégré d’accueil et d’orientation. Comme l’a indiqué Nathalie Blanc, directrice adjointe du SIAO de l’Isère, il y avait, en 2024, 4 475 demandes d’hébergement d’urgence pour 777 propositions. De plus, la majorité des demandes concerne des hommes seuls et les offres concernent des logements de grandes tailles. Le SIAO cherche à proposer des hébergements qui correspondent au plus près des besoins des ménages concernés. Ceux-ci restent en général 34 mois en hébergements d’urgence.
En 2024, 180 ménages ont été désignés au SIAO comme prioritaires DAHO par la COMED. 37% d’entre eux ont eu une proposition d’hébergement durant cette période. Le délai de 6 semaines prévu par la loi pour l’hébergement d’urgence n’est jamais respecté.
Des permanences complexes
Cécile Legendre est une des 10 bénévoles assurant des permanences soit à la maison des associations de Grenoble, soit à Point d’Eau ou au local des femmes, deux accueils de jours. Elle indique que le nombre de personnes reçues était de 230 en 2019 et de 300 en 2024, donc en constante augmentation. 65 % des personnes sont venues pour un problème d’hébergement. La majorité n’a pas de droits reconnus. Le DAHO n’est pas une réponse aux besoins immédiats d’hébergement mais permet parfois de trouver une solution à moyen terme.
Une commission où sont confrontées des visions différentes de l’hébergement d’urgence
La COMED est composée de représentants de l’État, des collectivités et d’associations. Michel Maron, bénévole, y représente Un Toit pour Tous. La majorité des dossiers étudiés concernent le Droit au logement opposable. Pour déposer un recours à la COMED concernant le Droit à l’hébergement opposable, il est obligatoire d’avoir une adresse de domiciliation et il faut qu’il y ait eu des démarches préalables indispensables par le 115. Selon le président de la COMED, Jean Yves Balestas, les bailleurs sociaux apportent parfois des éléments importants sur les demandes, de même que les associations comme Un Toit Pour Tous. Il existe un débat sur la nécessité d’avoir un document prouvant l’identité du demandeur. Les désaccords portent notamment sur le cas des personnes en situation irrégulière, qui n’ont plus de voie de recours. Pour le président, ces personnes ne peuvent avoir de droit opposable à un hébergement. Le représentant d’un Toit pour Tous à un point de vue opposé en se basant sur une note du haut comité pour le droit au logement. Pour tous les membres, il est douloureux de refuser un tel droit fondamental à un être humain. Mais la pénurie de places d’hébergements oblige à faire des choix prioritaires.
L’activité de la Comed au cours des 12 derniers mois
D’octobre 2024 à septembre 2025, il y a eu 14 réunions de la Comed. 330 dossiers DAHO ont été examinés.160 ont été reconnus prioritaires (soit 49 %). 99 ont été rejetés (soit 30 %). 28 ont été ajournés pour demande de compléments d’informations (soit 8 %). 43 ont été considérés comme sans objet (soit 13 %) Ce sont des personnes relogées pendant l’instruction ou propositions en cours.
En cas de rejet, les requérants peuvent déposer un recours au tribunal administratif.