L’encadrement des loyers est l’un des rares dispositifs à la main des collectivités pour réguler le marché locatif : il permet de limiter l’augmentation du loyer lors de la mise en location d’un logement. Dispositif volontaire, il est mis en œuvre en zone tendue à titre expérimental (jusqu’en 2026) par la «loi de 2018 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration». L’objectif recherché est de s’assurer que l’évolution des loyers reste suffisamment raisonnable pour permettre aux personnes et aux familles travaillant sur le territoire de se loger.
Deux témoignages
Dans le cadre de la 6ème édition de ses Rencontres, Un Toit Pour Tous a organisé le 6 novembre 2025 un webinaire «Encadrer les loyers : un outil concret au service des collectivités ? » sur le bilan à ce jour de l’expérimentation du dispositif.
Deux témoignages ont été sollicités : celui d’Arthur Lhuissier, directeur général d’Un Toit Pour Tous à Grenoble, et celui de Barbara Gomez, conseillère déléguée notamment en charge de l’encadrement des loyers auprès de l’adjoint à la mairie de Paris. Le premier, après un rappel sur le dispositif encadrement des loyers, rend compte de la situation dans la région grenobloise qui utilise l’encadrement depuis moins d’un an. Quant à la seconde elle donne, avec beaucoup de conviction, son point de vue sur la mise en œuvre à Paris qui a débutée en 2019.
Quelques chiffres
Pour les 21 communes de Grenoble et sa métropole où l’encadrement est institué, les données – , encore peu nombreuses, il est vrai – indiquent que 20 à 30% des loyers pratiqués dans le parc privé de la zone concernée pourraient dépasser le plafond fixé par la préfecture (selon Grenoble Alpes Métropole). La Fondation pour le logement des défavorisés avance, elle, que 45% des annonces locatives analysées dans le cadre de son 5émebaromètre de l’encadrement des loyers seraient affichées avec un loyer au-dessus des plafonds.
À la Ville de Paris, une première évaluation a été réalisée depuis la mise en œuvre du dispositif en 2019 :
- l’encadrement aurait permis une baisse des loyers de 4,2 % entre 2019 et 2023 par rapport à la situation sans encadrement.
- si tous les bailleurs avaient respecté l’encadrement, le dispositif aurait permis une atténuation de la hausse des loyers deux fois plus importante, avec une baisse de 8,2 % par rapport à une situation sans encadrement.
L’exemple de la Ville de Paris, commenté par Barbara Gomez, responsable engagée
« Les parisiens ne peuvent plus vivre dans leur ville ».
L’objectif poursuivi par les responsables du logement, avec l’encadrement, est d’agir sur une des causes de la crise : limiter l’envolée des loyers dont la croissance n’a jamais été aussi élevée. Il s’agit de lutter contre l’exode forcé des citoyens vers des banlieues de plus en plus lointaines.
« Limiter l’ambition de rentabilité locative des propriétaires ».
La mesure incite seulement les propriétaires à être plus raisonnables On est loin d’une contrainte « à la bolchévique ». Les augmentations de loyer restent possibles et la comparaison entre zones avec et zones sans encadrement montre l’absence d’un effet négatif sur l’investissement et l’offre locative.
« La compétence signalement » a été déléguée par l’État à la Ville à la demande de cette dernière
La Ville est devenue maître de la procédure. Elle se charge de tout, jusqu’à la mise en demeure des propriétaires défaillants. Avec des moyens dédiés, elle est au service des locataires et facilite des démarches qui sont plus compliquées et moins accessibles quand l’interlocuteur est l’État.
La volonté politique de la Ville a mis l’encadrement au service d’une « plateforme d’accès aux droits ». Et c’est efficace ! On peut estimer que, pour les locataires, une dépense moyenne d’environ 1 000 euros est évitée chaque année, simplement grâce au dispositif mis en œuvre depuis 2019.
« L’encadrement » n’est qu’un des moyens d’intervention.
À Paris, la crise est multifactorielle, et la Ville agit sur beaucoup d’autres dimensions pour agir sur les loyers : immobilier de tourisme, création de foncières utilisant le BRS (bail réel solidaire), logements sociaux, …
« Sauvez l’encadrement des loyers »
Pour les situations de Grenoble et Paris, ainsi que celles des autres collectivités impliquées, un enjeu majeur reste aujourd’hui leur caractère temporaire puisque l’expérimentation est prévue de se terminer en novembre 2026. On s’attend à ce que soit déposée une loi, préconisant la pérennisation du dispositif, assortie de propositions de modifications.
La Fondation pour le logement des défavorisés et beaucoup d’autres organisations, dont les 70 communes déjà concernées par la mise en œuvre de l’encadrement, appellent à soutenir cette pérennisation avec des améliorations. Parmi les enjeux figurent entre autres l’assouplissement des critères limitant les territoires où la mise œuvre du dispositif est possible, ainsi que les « compléments de loyer » dont l’encadrement imprécis permet aujourd’hui bien des contournements de l’encadrement par les propriétaires…
Un soutien avec lequel Un Toit Pour Tous est en plein accord.