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Les femmes face au mal-logement : une réalité invisible, des besoins spécifiques

À l’heure où les inégalités sociales et les violences faites aux femmes occupent une place croissante dans le débat public, la question du mal-logement des femmes reste encore largement sous-estimée. Pourtant, les situations vécues par les femmes rendent leur accès au logement particulièrement complexe. En 2024, la Coordination des accueils de Jour, en partenariat avec l’Observatoire de l’hébergement et du logement d’Un Toit Pour Tous, a publié un bilan alarmant sur les conditions d’accueil et d’hébergement des femmes en grande précarité. À partir de ce document et en écho au cahier « Femmes et mal-logement » publié fin 2022, nous proposons ici un article actualisé de la situation.

Logement : entre violences et précarité structurelle

Le genre peut constituer un facteur aggravant dans les situations de mal-logement. Les parcours de femmes sont parfois marqués par des contextes de précarité économique, de violences ou de ruptures familiales, qui fragilisent l’accès et le maintien dans un logement stable. Prendre en compte ces dimensions permet de mieux adapter les réponses proposées.

D’après le Service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO) 38, 25 % des femmes seules et 36 % des familles monoparentales ayant fait une demande d’hébergement d’insertion ont cité les violences comme motif, contre 1 % des hommes isolés. De plus, plus de 80 % des familles monoparentales en Isère sont composées de femmes seules avec enfants. Le recours au 115, surchargé, laisse souvent place à l’hébergement chez un tiers pouvant mener à d’autres formes d’exploitation (Cahier de l’Observatoire, n°2, 2022).

Hébergement : un modèle inadapté aux réalités féminines

Malgré leur nombre croissant, les femmes sont encore peu présentes et peu visibles dans les dispositifs d’hébergement. À Grenoble, elles ne représentent que 10 % du public dans les accueils de jour mixtes, alors qu’elles constituent 38 % des personnes sans domicile. Cette invisibilité s’explique par des stratégies d’évitement des espaces mixtes ou insécurisants, comme l’évitement des douches collectives ou des maraudes tardives.


Quelles réponses locales ?

En 2024, 12 accueils de jours répartis sur le territoire de l’Isère ont noté une augmentation générale de la fréquentation des accueils de jour. Certains accueils, comme Femmes-SDF, a vu son public – exclusivement féminin – triplé depuis 2021. Le Local des Femmes, créé à Grenoble en 2004, constitue une réponse locale exemplaire : un accueil de jour non-mixte pensé pour répondre aux besoins spécifiques des femmes (sécurité, anonymat, repos).

Vers une approche inclusive du mal-logement des femmes

Les difficultés d’accès au logement ne se limitent pas à des causes comme la précarité financière ou le manque de logements sociaux. Elles prennent des formes variées et spécifiques selon le parcours de vie des femmes, notamment celles qui sont migrantes, mères isolées ou en situation de prostitution. Parmi elles, les femmes exilées isolées apparaissent particulièrement vulnérables, à la croisée de plusieurs facteurs d’exclusion. Leurs conditions d’existence, marquées par l’errance, l’absence d’hébergement stable et la méconnaissance de leurs droits peuvent les exposer à des violences physiques, sexuelles ou domestiques.

Certaines situations demandent un accompagnement adapté. À Grenoble, par exemple, l’Amicale du Nid accompagne des femmes en situation ou en danger de prostitution, confrontées à des parcours de vie complexes, marquées par l’isolement ou l’insécurité.

Enfin, même si la politique du Logement d’abord constitue un socle essentiel, elle reste encore difficilement accessible pour de nombreuses femmes. En Isère, 90 % des personnes appelant le 115 ne sont pas éligibles au logement social, et parmi les femmes sans-abri, une majorité sont migrantes (SIAO, 2024).

Penser des réponses inclusives, c’est adapter les dispositifs de logement et d’insertion aux réalités diverses des femmes, pour mieux répondre aux besoins de chacune.

 

Pour aller plus loin :

Les femmes privées de domicile personnel Quels besoins ? Pour quelles réponses ?