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Comment sont accueillies les personnes migrantes en Isère

Un travail de 4 étudiantes de l’Institut d’Études Politiques de Grenoble (IEP) : « La précarité des parcours et des conditions d’accueil des personnes migrantes en Isère » a été présenté le 13 février 2018 aux participants du « 12-14 du Toit »* d’Un Toit Pour Tous, dans les locaux de l’IEP à Saint Martin d’Hères.

A partir d’entretiens avec 9 professionnels ou bénévoles (Observatoire de l’Hébergement et du Logement, Un Toit Pour TousJRS – Welcome, AUI – Alerte**…) elles ont apporté un éclairage qualitatif essentiellement sur l’hébergement (le logement apparaissant comme un objectif trop éloigné pour ce public).

Que retenir ?

– Une grave question : que deviennent les 3 300 personnes qui ne trouvent pas de place dans les différents dispositifs d’hébergement en Isère ? 3190 places dans les structures dédiées aux demandeurs d’asile, hébergement collectif citoyen, hébergement d’urgence de droit commun y compris les places dites de « renfort hivernal » alors que AUI-Alerte dénombre 6521 personnes dépourvues de domicile personnel.

– Pour l’accès à l’hébergement, la « priorisation » basée sur la vulnérabilité et le statut de chaque individu, provoque de grandes difficultés, pour ne pas dire de la souffrance, tant pour les salariés des structures que pour les « exilés »(1). Conséquence de l’insuffisance de l’offre elle peut conduire à des situations incohérentes qui ne répondent pas à l’ensemble des besoins.

– Les changements de statuts des individus provoquent une prédominance de l’errance résidentielle. Quant aux déboutés, « dublinés », ils tendent à se rendre invisibles et les mineurs se déplacent plus que les adultes d’un département à l’autre.

– L’accueil citoyen en général, par des individus, des collectifs laïques ou liés à des religions vient se positionner dans les zones laissées en friche par l’Etat. Mais il y reste des zones d’ombre.

– Et pourtant, malgré les désillusions, la plupart des exilés cherchent à se maintenir en Europe : espoir d’une vie meilleure, surtout pour les enfants, retour impensable (pression familiale, vie en danger), ici c’est toujours mieux que là-bas.

– Les pièges des discours et politiques de l’urgence qui impliquent un dispositif temporaire en contradiction avec une situation qui dure. Persister dans le concept de l’urgence conduit à des restrictions, une fragmentation, une réponse sur la demande exprimée et non sur les besoins.

– Des pistes d’actions : 

– faire naître une parole partagée dans les collectifs d’hébergement citoyen

– faire reconnaître que les besoins et non simplement les demandes doivent être pris en compte

– parvenir à assurer une présence dès les premiers jours de l’arrivée des exilés sur le territoire

– faire la lumière sur les zones d’ombre des parcours

– mettre en œuvre la politique du « Logement d’abord » proposé à des territoires d’expérimentation en France et à laquelle La Métro s’est portée candidate.

L’exposé a été suivi, comme c’est la règle lors des 12/14 d’Un Toit Pour Tous, de questions et d’interventions de personnes présentes, professionnels ou bénévoles, ainsi que de collectifs locaux. Entre autres, sont évoqués le besoin de données précises et actualisées, les interrogations sur les ressources des exilés, les cas de non-recours à l’hébergement liés à l’inadéquation des lieux d’accueil du plan hivernal et au risque accru de contrôle administratif, la nécessité de créer des logements aux loyers réellement abordables, les pressions à effectuer sur Grenoble-Alpes-Métropole pour débloquer les dossiers qui traînent,… et, bonne nouvelle, des logements mis à disposition par certaines communes.

Note : Dans le cadre du partenariat conclu entre Un Toit Pour Tous et Sciences Po Grenoble, l’une des 4 étudiantes effectue le stage prévu dans son cursus à UTPT. Le travail présenté aujourd’hui servira ainsi de point de départ à une seconde étape lors de laquelle sont prévus des échanges avec des personnes exilées elles-mêmes.

(1) Le terme d' »exilé » a été choisi de préférence à migrants car il est plus adapté pour penser les parcours d’installation

« 12-14 du Toit »

** AUI Alerte (Associations Unies Isère) est, rappelons-le, un collectif d’associations iséroises qui se mobilise sur la question des personnes dépourvues de logement personnel, à l’image du collectif national (https://collectif-associations-unies.org ). Le collectif isérois regroupe une soixantaine de structures, parmi lesquelles  Un Toit Pour Tous, le Secours catholique, la Fédération des acteurs de la solidarité, le Diaconat protestant, la Cimade… Les points forts de son action sont la contribution à une meilleure connaissance de ce problème, et bien sûr, l’interpellation des pouvoirs publics pour exiger et obtenir des réponses adaptées aux besoins.