Accompagner / Loger

« Les ménages d’abord », la politique du Logement d’abord à Un Toit Pour Tous

L’association s’inscrit dans la politique du Logement d’abord (LDA) à la suite de la Métropole de Grenoble, pilote de sa mise en œuvre accélérée (1). Le pôle social de Territoires, son agence immobilière à vocation sociale, qui regroupe une dizaine de travailleurs sociaux et loge les catégories de ménages les plus dépourvus de logement à leur arrivée, avait vocation pour entrer dans cette politique et se réorganiser dans cette perspective.

 

Le pôle social, acteur du Logement d’abord

 

Le Logement d’abord c’est : accompagner un ménage/une personne vers le logement dès lors qu’il en éprouve le souhait, sans prérequis. Cet accompagnement s’adapte à la personne et se situe dans un environnement partenarial. Il s’agit de partir de là où se situe la personne, de son propre environnement et comment elle souhaite avancer.

Pour coller le mieux possible à l’esprit de cette politique, trois principes ont guidé une réorganisation du pôle social à Un Toit Pour Tous : mutualisation, pas de prérequis pour la signature d’un bail, pluridisciplinarité externalisée.

 

Une réorganisation transversale des équipes et des missions pour une mutualisation
des savoir-faire
: chaque travailleur social intervient sur au moins deux dispositifs d’accompagnement (2), des groupes travaillent sur différents thèmes (par exemple santé, fracture numérique…), l’équipe se réunit en séance plénière (intervision) 2 fois par mois pour construire des solutions collectives. Outre le renforcement de l’esprit d’entraide et de solidarité bénéfique pour les salariés comme pour les ménages, ce fonctionnement permet la continuité de l’accompagnement et la réponse aux urgences.

Une mutualisation des moyens : passer d’une logique de dispositifs à une logique d’accompagnement en décloisonnant chaque fois que c’est possible les financements pour pouvoir poursuivre des relations avec des ménages qui en ont besoin (3).

Que ce soit la commission d’attribution des logements ou la commission d’admission pour l’Intermédiation locative, à Un Toit Pour Tous, ni l’une ni l’autre ne demande de prérequis pour orienter puis faire signer un bail. En cas de frein administratif une sous-location est prévue. Ce sont les travailleurs sociaux qui traitent les attributions pour tisser un lien avec les ménages dès l’entrée dans les lieux, repérer les besoins et les difficultés potentiels pour adapter le niveau d’intervention, évaluer et communiquer au mieux avec les référents sociaux existants.

Que ce soit au sein d’Un Toit Pour Tous ou auprès d’autres bailleurs (pour les ménages suivis par un salarié du pôle social), le travailleur social se positionne en « allié » du ménage au sein du triptyque « Travailleur social-ménage-bailleur » : trois partenaires pour un objectif commun, le maintien dans le logement. De ce fait, l’accompagnement pratiqué au pôle social doit parfois être « global », plutôt que strictement « logement », ce qui induit une pluridisciplinarité externalisée auprès de multiples partenaires (santé, enfance, emploi, droits etc.).

 

Le pôle social : vers de nouvelles postures d’accompagnement

 

L’esprit du Logement d’abord a amené le pôle social d’Un Toit Pour Tous à revoir sa politique d’accompagnement. Il ne s’agit plus de se « focaliser » sur la détermination d’un objectif à atteindre mais il s’agit de prendre en compte un ménage dans son parcours et ses expériences et de favoriser son bien-être. Pour le travailleur social c’est un changement d’attitude : ne plus être le « sachant ».

Citons par exemple le cas d’un ménage en procédure d’expulsion locative positionné successivement sur 6 logements en 13 mois qui n’arrivait pas à déménager. Un travail de précision a alors été porté à chaque visite de logement pour l’amener à se projeter dans son futur logement et à sélectionner lui-même ses critères de choix. Suivi par le Centre Hospitalier Alpes Isère, son état de santé a dû être pris en compte pour favoriser la réussite du projet.

Révision certes difficile et contrariée par les difficultés liées au temps contraint, à la pénurie de logements, aux risques d’impayés etc. Révision difficile aussi en raison des cloisonnements entre dispositifs (financement en silo) qui freine la mutualisation nécessaire pour faire face à la difficulté d’estimer a priori le dispositif adéquat pour un ménage (certains dispositifs qualifiés de légers comprennent des accompagnements très lourds et inversement).

Pour ce nouveau regard sur une approche plus globale de la personne, différentes formations se sont mises en place : des formations individuelles, en particulier dans le domaine de la santé mentale (deux travailleurs sociaux, personnes ressources), en psychologie positive, des formations collectives internalisées (premiers secours en santé mentale, conduites addictives, intervention sociale à domicile…).

 

Les limites du Logement d’abord

 

La durée des dispositifs : de 12 à 18 mois, trop courts dans bien des cas pour assoir dans les délais un accompagnement adapté. À titre de référence, citons qu’actuellement la moitié des locataires d’Un Toit Pour Tous sont encore accompagnés après 3 ans de présence et 10% après 10 ans. Sachant que les relais par les services sociaux de droit commun après la fin de du dispositif ne disposent pas des mêmes possibilités d’accompagnement.

En conclusion, le Logement d’abord est bien pratiqué à Un Toit Pour Tous au niveau des procédures et de l’organisation du pôle logement. Reste à affiner des pratiques fluides chez les travailleurs sociaux et sa prise en compte dans les autres services de l’agence qui œuvrent quotidiennement auprès des ménages. Reste surtout le problème du cloisonnement des dispositifs qui ne facilite pas le travail de celles et ceux qui accompagnent les ménages.

 

(1) La métropole de Grenoble pilote la politique du Logement d’abord avec :

– la création et l’animation d’un réseau d’acteurs (opérateurs, institutions et bailleurs sociaux) ;

– avec des rencontres régulières d’échanges de pratiques et de formation ;

– organisation de circuits, commissions, dispositifs de coopération métropolitaine favorisant un accès rapide au logement en prenant en compte les souhaits du ménage dans sa recherche de logement.

(3) En 2021/2022, la métropole de Grenoble a initié un groupe de travail associant opérateurs, État et département pour réfléchir à la mise en œuvre d’un accompagnement logement unique dans l’esprit du Logement d’abord. Celui-ci n’a pas été suivi d’effet pour l’instant, les principes de financement représentant un obstacle à sa mise en œuvre.

(2) Les différents dispositifs

GLA : Gestion locative adaptée : intervention sociale ponctuelle ou dans la durée auprès des locataires, en complémentarité avec le suivi mis en œuvre par le pôle logement d’Un Toit Pour Tous.

IML : InterMédiation locative classique (bail direct ou sous location en vue d’un glissement de bail), pour les ménages déplacés d’Ukraine ou renforcé en santé.

AVDL et LSA : Accompagnement Vers et Dans le Logement et Logements sociaux accompagnés à destination des salariés en difficultés

LASUR : Logement d’Attente en réponse à des Situations d’Urgence