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L’hébergement d’urgence en quelques mots (12/14 du Toit du 14 janvier 2020)

Inconditionnalité et continuité, les deux principes fondamentaux de l’hébergement d’urgence, ont bien du mal à être respectés pour toutes les personnes privées de logement personnel. Malgré une augmentation incontestable de l’offre (+ 480 places en 3 ans) les difficultés subsistent, en particulier pour les hommes seuls.

Invités : des acteurs et … des données pertinentes

Les invités de ce 12-14 étaient Véronique Gillet (Fondation Abbé Pierre), Francis Silvente (Relais Ozanam et Fédération des Acteurs de la Solidarité), Richard Diot (Point d’Eau). Elisabeth Paccard animait cette réunion, introduite par un exposé d’Anissa Ghiouane, responsable de l’Observatoire de l’Hébergement et du Logement (Un Toit Pour Tous). Aucun représentant des services de l’Etat n’était présent, ce qu’on peut déplorer, alors même qu’il s’agit précisément d’une compétence du ressort de l’Etat.

Anissa a présenté un document truffé de statistiques, de tableaux et de courbes, portant essentiellement sur l’année 2018.

C’est ainsi que les chiffres disponibles révèlent que seul un ménage sur 4 qui appelle le 115 a été orienté vers un hébergement. Elle a rappelé le double système en vigueur : l’OFII (Office Français de l’immigration et de l’Intégration) est compétent pour assurer l’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés, tandis que le SIAO (Service Intégré d’Accueil et d’Orientation) est compétent pour les autres personnes sans toit. Dans la pratique, un nombre important de demandeurs d’asile ou de personnes « à droits incomplets » se trouve dans l’obligation de faire appel au SIAO, l’OFII étant dans l’incapacité de leur fournir une solution.

Les nouveautés de l’hiver 2019-2020 ont été évoquées : création d’une maraude professionnelle, d’une « halte de nuit », tout cela en lien avec la politique du « Logement d’abord » et la plate-forme créée à cet effet par Grenoble-Alpes-Métropole, territoire sélectionné pour accueillir une mise en œuvre accélérée de ce plan gouvernemental.

Florilège de quelques propos marquants des invités :

Tandis que les financements pour le logement diminuent, le budget de l’hébergement d’urgence explose, la logique est inversée. Un fossé se creuse entre les besoins concrets et immédiats et les dispositifs qui ne répondent pas à ces besoins, malgré les moyens consentis.

Des personnes s’enfoncent dans l’invisibilité. Une meilleure connaissance des demandes est incontournable, or l’INSEE n’effectuera plus désormais d’enquête nationale sur la pauvreté. Il y a 15 ans, on ne pouvait tout simplement pas imaginer que des mineurs se retrouvent sans toit. Néanmoins, le fait que Grenoble-Alpes-Métropole s’investisse est positif.

Au sein des personnes privées de domicile personnel, la résignation se propage, l’espoir est inexistant. Malgré les avancées que représentent « Logement d’abord » et « Un chez-soi d’abord » (personnes atteintes de pathologies mentales et sans abri), on voit aussi de nouveaux freins, du côté de la CPAM pour l’accès aux soins, du côté de l’administration fiscale (délai de 4 à 6 mois pour obtenir un document certifiant la non-imposition).

On entend souvent dire à propos de mesures mises en œuvre : « C’est mieux que rien », faut-il s’en contenter ? La « halte de nuit », par exemple, signifie une dégradation des formes d’accueil. Est pointée aussi la coordination insuffisante des nouvelles mesures avec ce qui existe déjà (maraudes, initiatives citoyennes). L’Etat et le département semblent être aux abonnés absents depuis 3 ans. Les accueils de jour n’ont même pas été invités à la première réunion du PALDI (Plan départemental pour le logement des plus défavorisés en Isère), c’est significatif.

L’Etat renonce à 18 milliards d’euros de ressources fiscales, alors que le plan Pauvreté coûte 2 milliards. Pour la première fois, la pauvreté a augmenté en 2018 ! Le risque existe de vouloir réguler les flux migratoires à travers le contrôle de l’hébergement : les comptages citoyens sont un moyen de s’opposer à cette logique.

L’article du chercheur Julien Lévy « Rester dans la rue plutôt qu’aller en centre d’urgence : comprendre le choix des sans-abri » montre que ce qui est proposé ne convient pas. On voit fleurir des idées farfelues : camions frigorifiques ou containers transformés en abris pour SDF. Ce que les personnes veulent, ce sont des logements comme tout le monde, pas des « niches à SDF ». On ressent un sentiment d’usure à la fois des associations et des personnes.

Questions et interventions des participants :

Grenoble-Alpes-Métropole est appelée à prendre toute sa place : c’est d’abord ses logements qu’il faut mettre à disposition.
Un bénévole du Secours Catholique a le sentiment d’un ralentissement du rythme d’arrivée de migrants et notamment de jeunes dans l’agglomération.
Une autre personne aimerait des chiffres du 115 plus récents que ceux présentés. La Fondation Abbé Pierre a une capacité d’interpellation sur laquelle on peut s’appuyer, et peut agir sur les leviers financiers.
Il a été rappelé que « Logement d’abord » exclut certains publics, et que des solutions telles que les baux glissants ne peuvent plus être mises en œuvre.

On assiste à des choses impensables il y a 15 ans : des familles sont séparées, seuls la mère et les plus jeunes enfants sont pris en compte.

Quelques mots qui n’étaient pas superflus !