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La santé mentale, un enjeu majeur : entretien avec Astrid, travailleuse sociale et référente santé

Dans le cadre de leurs missions d’action sociale en vue de l’insertion par le logement, les travailleurs sociaux d’Un Toit Pour Tous sont amenés à accompagner de plus en plus de personnes rencontrant des problèmes de santé d’ordre psychique ayant des conséquences sur leur quotidien.

Cette prise en compte des troubles psychiques est un incontournable dans le cadre de l’approche du « Logement d’abord » qui a comme cadre de référence le principe de rétablissement (choix personnel du parcours de la personne, responsabilisation et pouvoir d’agir) où l’accès à un logement améliore significativement la santé mentale des individus.

Selon leurs souhaits, deux travailleuses sociales ont été identifiées afin de monter en compétences sur cette thématique. À terme, l’objectif est que ces référentes soient ressources et soutien pour l’ensemble des salariés de l’association afin d’accompagner aux mieux nos usagers.

Cela nécessite d’avoir des connaissances théoriques de base, des connaissances de terrain (dispositifs, lieux ressources et professionnels), des outils méthodologiques et de développer un savoir être adapté à ces personnes.

 

Comment votre rôle de référente santé s’est mis en place ? 

Tout au long de l’année, j’ai suivi différentes formations afin d’approfondir mes connaissances sur la santé mentale dont une qui a été très importante pour moi : la psychologie positive.

Pourriez-vous développer le principe de la psychologie positive ?

Généralement, on voit toujours les personnes par le prisme de la difficulté. L’idée ici est de changer de paradigme, d’essayer de voir les choses de façon positive, sous l’angle de la valorisation.

Avez-vous eu l’occasion d’expérimenter cette approche ?  

J’ai mis en place cette approche avec une personne que j’accompagne qui, auparavant, travaillait dans l’immobilier. À la suite d’une séparation et d’une perte d’emploi, elle a connu d’importantes difficultés nécessitant un accompagnement avec un psychiatre. Elle est aujourd’hui dans un état très dépressif et a une dette de loyers conséquente. Une mesure d’expulsion a été prononcée à son encontre avec accord de concours de la force publique.

Comment intervenez-vous dans ce cas ?

C’est une situation d’urgence. Nous lui avons demandé de changer de domicile car la maison qu’elle occupait n’était plus compatible avec ses ressources actuelles.  Un dossier de surendettement a été également déposé, une partie de sa dette a d’ailleurs été annulée.

Comment avez-vous intégré la psychologie positive dans cet accompagnement ?

Ce n’est jamais évident. C’est une personne que l’on doit aider à déménager, à faire ses cartons alors qu’elle est dans un état dépressif tel qu’elle l ne se lave plus, n’ouvre plus ses volets et ne sort plus de son domicile.

J’utilise alors régulièrement des prétextes, comme par exemple le fait de devoir faire des photocopies, pour l’inciter à venir dans les locaux de l’association afin de maintenir un lien.

L’idée est de voir avec elle en quoi elle est chanceuse. Ce n’est pas facile car pour elle rien ne va, elle voit tout en noir. Au début, elle n’a pas compris la démarche. Puis, au fur et à mesure, les choses ont commencé à se débloquer. Ensemble, nous avons réussi à mettre en avant le fait qu’elle était toujours en relation avec sa fille et aussi que ses anciennes relations continuaient à lui rendre visite de temps en temps.

Avez-vous vu une évolution ?  

Au cours des rendez-vous, je propose des choses simples à mettre en place : ouvrir les volets, aller se promener dans le jardin. Il faut arriver à voir avec les personnes ce qui pourrait leur faire du bien, essayer de les raccrocher à des émotions, à des choses sensitives.

Aujourd’hui cette personne a commencé à changer de comportement. Elle a davantage de mobilisation et accepte de voir que certaines choses vont bien. Non seulement elle se lève, prend à nouveau soin d’elle et a aussi commencé à faire ses cartons. Elle s’organise, se prépare à déménager et à même contacté Emmaüs.

Pour moi, c’est une nouvelle approche très intéressante pour accompagner autrement les personnes. C’est très positif et gratifiant.