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L’intermédiation locative au niveau régional : succès et limites

« Le plan logement d’abord cible en premier lieu les populations vulnérables et sans abri […]. L’objectif est de leur offrir un toit dès que possible, et de mettre ensuite en place les soutiens sociaux et de services adaptés pour aider les personnes à se maintenir dans leur logement, à sortir de l’exclusion sociale… ».

« L’intermédiation locative (IML) est l’un des piliers du logement d’abord. Elle consiste à faire le lien entre les personnes sans abri ou mal logées, orientées par les services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO) et les propriétaires de logements disponibles, par le biais d’associations qui assurent la gestion locative (et l’accompagnement social) ».

Ainsi, Isabelle Nottier, directrice régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) introduit-elle le rapport régional sur le développement de l’IML en région Auvergne-Rhône-Alpes entre 2018 et 2022.

Un Toit Pour Tous s’étant engagée résolument dans ce dispositif, il semblait intéressant de présenter une synthèse de ce rapport, ce qui vient compléter l’article suivant disponible ici.

 

Un dispositif souple qui permet de mobiliser le parc privé

Le dispositif IML permet un accès direct au logement, sans étapes intermédiaires en hébergement, en offrant un loyer maîtrisé et un accompagnement adapté, prioritairement dans le parc privé, aux ménages à la rue ou en situation de grande précarité.

Deux modalités de mise en œuvre peuvent être mobilisées :

  • le mandat de gestion, avec un bail direct entre le locataire et le propriétaire, la gestion étant assurée par une association érigée en Agence immobilière à vocation sociale (AIVS) ;
  • la sous-location, avec ou sans bail glissant, le bail étant conclu entre l’association et le propriétaire.

À savoir qu’Un Toit Pour Tous pratique le mandat de gestion et uniquement la sous-location avec bail glissant pour assurer le maintien du ménage dans le logement à l’issue de la période d’accompagnement.

Le propriétaire est sécurisé par :

  • la garantie du paiement du loyer et des charges ;
  • la remise en état du logement en cas de dégradation ;
  • la possibilité de reprendre le logement en fin de bail, ou de le renouveler ;
  • le bénéfice d’avantages fiscaux, et la possibilité de subventions de l’ANAH en cas de travaux ;
  • La gestion locative et l’accompagnement social assurés par une association compétente.

La région Auvergne-Rhône-Alpes est caractérisée par une diversité et un grand nombre d’acteurs associatifs, 28 au départ en 2018, 78 fin 2022. La Fédération des associations pour la promotion et l’insertion par le logement (FAPIL) a joué un rôle important de promotion et d’appui de l’intermédiation locative.

 

Des résultats encourageants

Fin 2022, la région comptait 2073 logements, grâce entre autres à l’action des adhérents de la FAPIL. Sur la seule année 2022, 293 logements nouveaux ont été obtenus.

C’est la sous-location qui est l’outil le plus mobilisé par les opérateurs, représentant les deux tiers de l’offre, le bail glissant le tiers, attestant d’une formule qui sécurise les propriétaires et fruit de l’augmentation significative du nombre d’opérateurs pouvant la mettre en œuvre.

Le mandat de gestion (15 %) qui impose à l’opérateur de disposer d’une carte professionnelle immobilière peut apparaître plus risqué pour le propriétaire, même si la souscription à l’assurance VISALE permet d’atténuer ce sentiment (pour Un Toit Pour Tous, on peut rappeler que le mandat de gestion s’établit à 20 logements, le bail glissant à 17).

Le parc se renouvelle, si en 2022 288 logements sont « sortis », 591 nouveaux sont rentrés.

Les départements qui disposent le plus de relogements IML (supérieur à 200 logements) sont le Rhône, le Puy-de-Dôme, la Loire et l’Isère.

 

Des logements pas complètement adaptés

La majorité des logements captés pour le dispositif IML provient du parc privé (69 % pour 31 % dans le parc public).

Sur les 2073 à fin 2022, les petits logements constituent la typologie majoritaire : 56 % sont des T1 et T2, 39 % des T3 et plus ; elle ne suffit pas pourtant à répondre à la demande des personnes seules ou couples sans enfant (65 % des ménages).

Un des enjeux est bien sûr de proposer des logements avec un loyer faible.

Le conventionnement avec l’ANAH peut y contribuer. Par ailleurs, en location-sous-location, peut être mis en place un différentiel de loyer qui permet au locataire de payer un loyer inférieur à celui que touche le propriétaire ; ce dispositif concerne 20 % des logements IML dans la région.

En moyenne régionale, les loyers se situent entre 281 € et 355 € selon qu’on est en sous location ou en mandat de gestion. Les charges peuvent cependant impacter significativement les budgets des ménages compte tenu des hausses récentes très fortes de l’énergie, que peut atténuer le bouclier tarifaire ou le chèque énergie.

 

Des ménages sans abri ou mal logés, vulnérables

La majorité des ménages a été orientée vers un logement en IML par les SIAO (79 % des entrées en 2022). Cette même année, 25 % des ménages entrants étaient hébergés chez des tiers (chez des amis, de la famille…le plus souvent de manière précaire), 36 % sortaient de structures d’urgence ou d’hébergement, 35 % d’un habitat précaire ou étaient sans domicile.

37 % des ménages touchent le RSA, 34 % ont un salaire.

Les locataires de la tranche d’âge 31-59 ans sont les plus représentés, soit 58 %, mais on doit noter que 35 % ont moins de 25 ans. Sont logées tant des familles que des personnes isolées, ces dernières étant majoritaires avec 60 % (et une surreprésentation d’hommes à 75 %).

Le quart des ménages est constitué de familles monoparentales à 85 % des femmes.

À noter le fait que la typologie des ménages reflète celle des logements mis à disposition.

En moyenne, la durée d’occupation des ménages sortis en 2022 s’établit à 18 mois (elle est un peu plus longue en mandat de gestion).

La majorité des sorties peut être considérée comme satisfaisante à 75 % à l’issue de la période d’accompagnement : maintien dans le logement ou relogement dans le parc privé ou public (un tiers pour celui-ci). La capacité de l’IML à constituer une solution de transition ouvrant la voie à un parcours résidentiel « normal » est ainsi avérée.

A contrario, le constat de 25 % d’échecs (retour à un hébergement, déménagement sans adresse, expulsion) atteste de la grande vulnérabilité des ménages accueillis en IML.

L’intermédiation locative, outre son caractère indispensable, apparaît bien comme un dispositif souple, efficace et qui permet de mobiliser le parc privé. Mais les résultats obtenus, bien que satisfaisants par rapport aux objectifs assignés par le plan logement d’abord (PLD), sont loin de pouvoir pallier la panne actuelle de production de logements neufs sociaux et très sociaux, en rappelant que le deuxième PLD, en cours, n’a fixé aucun objectif en la matière.